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PLAIDOYER ET ENJEUX 04-06-2025

De nouvelles données de Statistique Canada révèlent qu’en 2024, un quart de la population canadienne, soit près de 10 millions de personnes, a eu du mal à manger à sa faim. Ces chiffres issus de l’Enquête canadienne sur le revenu de 2023 établissent un nouveau sommet historique. Cette hausse marquée de 15 %, qui bat le record de l’année précédente, brosse un tableau sombre d’un pays où l’insécurité alimentaire devient rapidement une préoccupation majeure.

Mais alors que les décisionnaires politiques et le public sont confronté·e·s à cette réalité, il faut comprendre que l’insécurité alimentaire n’est pas simplement une question de nourriture. Elle est le symptôme de problèmes économiques plus importants. 

Les chiffres derrière la crise

Les données de Statistique Canada révèlent une forte augmentation de l’insécurité alimentaire à l’échelle nationale, avec des hausses dans toutes les provinces à l’exception du Manitoba et de l’Île-du-Prince-Édouard. Les provinces de l’Atlantique et des Prairies ont été particulièrement touchées :

  • Terre-Neuve-et-Labrador : 30 % (en hausse par rapport à 26 %)
  • Alberta : 31 % (en hausse par rapport à 27 %)
  • Saskatchewan : 31 % (en hausse par rapport à 28 %)
  • Ontario : 26 % (en hausse par rapport à 25 %)
  • Québec : 20 % (en hausse par rapport à 16 %, ce qui défie sa résilience habituelle).

Cette tendance à la hausse touche tous les types de familles :

  • 52 % des familles monoparentales ayant une femme à leur tête
  • 32 % des adultes vivant seul·e·s
  • 29 % des couples avec un ou plusieurs enfants
  • 13 % des personnes âgées. Ce groupe, habituellement perçu comme plus stable, a lui aussi connu une hausse de l’insécurité alimentaire, en particulier chez les personnes âgées vivant seules (14 %).This upward trend cut across all family types, with food insecurity affecting:

Le fardeau de l’insécurité alimentaire pèse davantage sur certains groupes démographiques :

  • Personnes noires : 47 %
  • Autochtones vivant hors réserve : 40 %
  • Personnes philippines : 37 %
  • Enfants : 33 %
  • Personnes nouvellement arrivées (ayant immigré dans les cinq dernières années) : 35 %

Comme l’insécurité alimentaire pèse nettement plus lourdement sur de nombreux groupes en quête d’équité, il est probable qu’elle ait également grimpé pour d’autres de ces groupes dont l’expérience n’est pas prise en compte par l’Enquête canadienne sur le revenu, comme les personnes autochtones vivant dans une réserve, les personnes vivant en région isolée et les personnes 2ELGBTQ+. Par ailleurs, Statistique Canada tarde souvent à publier les estimations de l’insécurité alimentaire chez les personnes en situation de handicap. Pourtant, on sait que ce groupe a encore plus de mal à avoir accès à de la nourriture.

Dans l’ensemble, le constat est clair : l’insécurité alimentaire s’aggrave dans presque toutes les régions du Canada.

Qu’est-ce qui alimente cette hausse?

La crise actuelle de l’insécurité alimentaire est intimement liée à des conditions économiques plus globales qui fragilisent la capacité à subvenir à ses besoins essentiels :

1. Hausse des prix des biens essentiels

  • Le coût des aliments, de l’épicerie, de l’énergie et d’autres produits de première nécessité a fortement augmenté partout au pays ces dernières années.
  • Les salaires n’ont pas suivi le rythme de l’inflation, ce qui oblige les ménages à consacrer une part plus grande de leur revenu à leurs besoins de base.

2. Stagnation des salaires et emploi précaire

  • Bien que les taux d’emplois soient relativement stables, beaucoup de personnes occupent des emplois précaires avec peu ou pas d’avantages sociaux, un bas salaire et des horaires irréguliers.
  • Cette réalité touche particulièrement les personnes immigrantes et racisées, surreprésentées dans les secteurs à bas salaire.

3. Filet social en déclin

  • Les nouvelles données révèlent une baisse des transferts gouvernementaux, une mesure essentielle pour réduire la pauvreté et aider les ménages en période de ralentissement économique.
  • Les compressions ou les majorations insuffisantes de programmes comme l’Allocation canadienne pour enfants et l’aide provinciale ont laissé beaucoup de familles plus vulnérables à l’insécurité alimentaire.

4. Défis économiques et crise du logement

  • La hausse des taux d’intérêt, le ralentissement du marché de l’emploi et le manque persistant d’accessibilité du logement aggravent la pression sur les finances des ménages.
  • Les coûts élevés des loyers et des hypothèques grugent une part de plus en plus grande des budgets, ce qui laisse moins d’argent pour la nourriture et les autres besoins essentiels.

5. Inégalités systémiques

  • Les groupes en quête d’équité sont davantage touchés par la pauvreté et l’insécurité alimentaire en raison des inégalités de richesse et de pouvoir découlant du colonialisme, de la discrimination et d’autres oppressions systémiques. Parmi ces groupes figurent les personnes autochtones, les personnes noires, les personnes racisées, les familles monoparentales ayant une femme à leur tête et les personnes en situation de handicap, et ce, même lorsqu’elles travaillent à temps plein.  

Que doit-on faire? Trois appels à l’action

L’insécurité alimentaire au Canada n’est pas le résultat d’un manque de nourriture, mais de la pauvreté. Des millions de personnes n’ont pas les moyens d’acheter la nourriture qui existe pourtant en quantité suffisante. Pour résoudre cette crise, il faut des changements systémiques qui s’attaquent aux faibles revenus et aux inégalités. Les banques alimentaires apportent un soutien temporaire, mais elles ne sont pas une solution durable. Les preuves sont là : seules des politiques visant à augmenter les revenus des individus et des ménages peuvent réduire efficacement l’insécurité alimentaire.

Pourtant, lors des dernières élections fédérales, les engagements concrets en faveur de mesures d’aide au revenu pour les personnes en situation de pauvreté et d’insécurité alimentaire ont été relégués au second plan. Les chefs de parti ont plutôt mis l’accent sur des baisses d’impôt qui ne bénéficient pas aux plus
vulnérables. Ces baisses réduisent également les recettes publiques – des sommes qui pourraient renforcer les programmes essentiels du filet social.

Nous faisons donc les demandes suivantes au gouvernement :

1. Fixer un objectif clair et mesurable de réduction de l’insécurité alimentaire de 50 % d’ici 2030. Un objectif précis permettra de stimuler une action concertée, de renforcer la reddition de comptes et de concentrer les ressources là où elles sont le plus nécessaires. Pour s’assurer de mettre en place des solutions efficaces et équitables, l’objectif devrait être défini en collaboration avec des spécialistes en la matière et des personnes ayant un savoir expérientiel.

2. Améliorer et créer des programmes d’aide au revenu afin que toutes les personnes et tous les ménages aient les moyens de combler leurs besoins de base, en mettant l’accent sur l’équité raciale. Nos principales propositions comprennent la création d’une Allocation pour l’épicerie et les besoins de base et d’un Supplément de revenu pour personnes en âge de travailler, la bonification de la Prestation canadienne pour les personnes handicapées et une réforme de l’assurance emploi. Ces solutions apporteraient une aide plus inclusive, plus stable et plus efficace aux personnes et aux familles les plus vulnérables à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire.

3. Collaborer avec les Nations autochtones pour rétablir leur autodétermination et leur contrôle sur leurs systèmes alimentaires traditionnels. Cela passe par la protection de leur droit aux aliments issus du territoire, à la chasse, à la pêche et à la cueillette et par la réparation des effets persistants des politiques coloniales.

Conclusion : une crise qui exige des choix politiques audacieux

Le Canada est à la croisée des chemins. Ces récents chiffres révèlent une vérité que trop de collectivités connaissent déjà intimement : l’insécurité alimentaire n’est pas une question de nourriture, mais de revenu, d’inégalités et de systèmes de soutien insuffisants. Cette crise ne peut être résolue en saupoudrant des programmes ou en créant des solutions à court terme.

Ce qu’il nous faut, c’est un engagement national pour une justice économique, un changement de cap politique qui place la dignité et les droits des personnes au cœur des préoccupations. Si près de 10 millions de personnes n’ont pas les moyens de se nourrir dans un pays aussi riche que le Canada, ce n’est pas que le système est brisé. C’est qu’il fonctionne exactement comme prévu – pour certaines personnes, mais pas pour toutes.

La voie à suivre est clairement définie. Il ne reste plus qu’à mobiliser la volonté politique pour l’emprunter.

Pour en savoir plus sur les statistiques et tendances en matière d’insécurité alimentaire et de pauvreté tirées du nouveau rapport de Statistique Canada, consultez le document d’information préparé pour nos partenaires.

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