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Personnes et programmes 13-03-2024

« C’est la meilleure nourriture de tout l’Ontario. Vraiment. »

Em dit cela alors qu’elle est au comptoir et lorgne une assiette de lasagne et de verdures bien garnie.

« J’ai mangé partout », poursuit-elle. « C’est le genre de chose qui arrive quand on déménage d’une ville à l’autre. »

Em sourit aux bénévoles qui préparent les assiettes, prend sa lasagne (l’option végétarienne) et se dirige vers la table où sont assis ses ami·e·s. En chemin, elle se penche vers une femme âgée, la salue et lui demande si elle a besoin d’aide. Se faisant répondre que « Tout va bien », elle poursuit son chemin.

C’est ainsi que les choses se passent au centre communautaire d’alimentation (CCA) The Table, situé à Perth, en Ontario. C’est le repas communautaire du mercredi, et l’endroit se remplit. Assis coude à coude autour des tables, les gens jasent. Pendus à des crochets, les manteaux d’hiver sont encore froids à cause de la température glaciale qui règne à l’extérieur. 

Paul, sa femme et leur amie de longue date Maggie sont là. Ils ne prennent pas la sauce chaude sur la table, buvant plutôt de grosses tasses de café. 

Menuisier et homme à tout faire, Joseph est assis dans le fond de la salle avec les membres de sa famille. Ils parlent de sports et taquinent leurs compagnon·ne·s de table, qui ne tardent pas à répliquer.

Une mère célibataire est assise avec un couple de personnes retraitées. Ils ne parlent pas beaucoup, mais sont ensemble entre ami·e·s.

C’est un endroit chaleureux et accueillant. Seuls le bruit des couverts et les salutations qui fusent dans la pièce chaque fois qu’une personne entre entrecoupent le brouhaha ambiant.

Malgré cette belle ambiance, les gens finissent également, petit à petit, par parler de leurs difficultés. Les problèmes ne disparaissent pas lorsque les gens franchissent la porte du centre communautaire d’alimentation; c’est pourquoi il en est question dans les discussions durant le repas.

Darlene n’a aucune difficulté à parler de la vie de la communauté soudée qui vit dans cette petite ville. En tant que bénévole du Réseau d’action communautaire du CCA The Table, Darlene travaille avec d’autres membres de la communauté et une coalition d’organisations locales pour mobiliser les gens face à d’urgents problèmes. Et comme elle vous le dira, cette communauté est à la fois très préoccupée et concernée par certains défis de la vie en ruralité.

« Nous nous rassemblons pour nous attaquer à des questions qui comptent ici : le logement abordable, l’accès aux services de santé, le revenu annuel garanti », explique-t-elle. « Nous avons aussi commencé à travailler avec des agences et des refuges locaux. Nous allons sensibiliser la population locale à la traite des personnes dans la région. »

De tels problèmes affectent également les centres urbains. Mais dans cette zone rurale de la vallée de l’Outaouais où les distances sont grandes et les services sont limités, ceux-ci prennent une ampleur toute particulière.

Or, c’est justement la raison pour laquelle le CCA The Table a été créé. Offrir de la bonne nourriture et promouvoir la justice sociale.

Outre ce travail bénévole de défense des intérêts de la communauté, le CCA The Table fait également appel à des navigateur·rice·s communautaires pour aider les gens à combler leurs besoins plus immédiats. 

Le bureau des navigateur·rice·s communautaires est ouvert avant et pendant les repas communautaires, qui ont lieu trois fois par semaine. Les gens peuvent s’y rendre sans avoir à prendre de rendez-vous pour obtenir plus d’aide — en plus de pouvoir prendre un repas nourrissant dans la salle à manger ou se procurer de la nourriture à la banque alimentaire installée sur place.

Cette aide peut prendre diverses formes, qu’il s’agisse de conseils sur les prestations gouvernementales, de solutions aux différends entre propriétaires et locataires, ou encore d’informations sur les autres services sociaux offerts dans la région. Selon Sam, l’un des navigateurs communautaires ayant une expérience vécue, ce type d’aide est essentiel pour les membres de la communauté qui fréquentent le CCA The Table, car elles doivent composer avec un système qui n’a pas été conçu de manière à faciliter l’accès à du soutien.

Vers la fin du repas communautaire de soirée, Sam monte à l’étage pour saluer les gens qui sont encore en train de manger. Sam a apporté des courges.

Oui, oui, des courges.

Ces courges ont généreusement été données par une ferme locale, et elles sont parfaites. Sam va de table en table, et demande aux gens s’ils désirent en rapporter quelques-unes chez eux.

C’est alors que les plaisanteries se mettent à fuser. Soupe, ragoût ou pot-au-feu? Qu’est-ce qu’il y a à vendre pour les accompagner? Qu’est-ce qui leur donnera plus de saveur? Les discussions se poursuivent jusqu’à ce que les gens se lèvent de leur chaise et commencent à mettre leur manteau.

Il est presque 18 h et il fait noir dehors. Les gens vident leur dernière tasse de café, donnent un coup de main pour ramasser la vaisselle, et saluent les bénévoles qui travaillent à la cuisine.

Tranquillement, les gens quittent le confort de la salle à manger et sortent du CCA.

Juste avant de partir, un jeune homme s’arrête à la cuisine. « Vous faites la meilleure nourriture. Merci! », dit-il avant de s’engouffrer dans la froideur de la nuit.

Tous les noms apparaissant dans ce récit sont des pseudonymes qui ont été employés pour protéger la vie privée des membres de la communauté. 

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