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Personnes et programmes 17-09-2024

Lundi soir au centre communautaire d’alimentation (CCA) Natoaganeg. C’est la saison de la chasse à l’orignal, et cette viande est au menu. Les gens remplissent leur assiette de boulettes d’orignal et de spaghetti. L’odeur savoureuse de la viande mijotée se répand dans l’air.

Aîné·e·s et jeunes sont assis côte à côte et dégustent un repas ancré dans la tradition en racontant des histoires. Pour beaucoup de personnes, ce rassemblement est bien plus qu’un souper. C’est la célébration d’une pratique qui nourrit leur communauté depuis des générations.

Au CCA Natoaganeg (dans la Première Nation Eel Ground, au Nouveau-Brunswick) et au CCA Turnor Lake & Birch Narrows (à Turnor Lake, en Saskatchewan), la chasse à l’orignal est une tradition précieuse et rassembleuse. Cette pratique est une source vitale de nourriture et un moyen puissant pour les membres de la communauté de se rapprocher de la terre et les uns des autres.

Une chasse éthique – pour la communauté et la conservation

Jeff Larry, coordonnateur de programme au CCA Natoaganeg, est depuis longtemps très impliqué dans cette chasse. « Nous [les membres des Premières Nations] avons le droit de chasser l’orignal toute l’année, mais nous le faisons surtout à l’automne », explique-t-il. « C’est la saison offrant les meilleures conditions. Les orignaux sont nombreux et ils ont commencé à emmagasiner du gras pour l’hiver. »

Jeff évoque la chasse communautaire de l’année dernière, qui a rassemblé par un chaud samedi 13 participant·e·s, dont des jeunes et des Aîné·e·s. Le groupe avait repéré plusieurs orignaux, dont huit femelles et veaux, mais avait choisi de ne pas chasser ce jour-là. Pour aider à préserver la population, seuls les mâles étaient visés. « Nous avons attendu la bonne occasion, afin de nous assurer que la chasse demeure éthique et gérable », explique Jeff.

Rebecca Sylvestre, responsable de programme au CCA Turnor Lake & Birch Narrows, partage cette même approche éthique. « Nous prenons ce dont nous avons besoin et ne chassons pas à l’excès. Deux à la fois, et cela nous permet de tenir longtemps », précise-t-elle. Et comme Jeff l’a mentionné, la communauté de chasseurs autochtones locaux suit des règles précises, comme la priorité accordée à la chasse aux orignaux mâles plutôt que femelles, à moins que ces dernières ne soient « taries » et incapables de donner naissance à un veau. « C’est une question de pérennité et de respect des animaux », explique Rebecca.

Célébrer les traditions en partageant des repas

Lors de la dernière chasse communautaire, Jeff a récolté quatre orignaux. Il en a donné trois au CCA et un à son oncle. « Le partage fait partie intégrante de la tradition », explique-t-il. « Un orignal est un très gros animal et, de cette façon, tout le monde en profite. »

Et le partage se poursuit – autour de la table. Pendant la saison de la chasse, la viande d’orignal devient un incontournable des repas communautaires dans les deux CCA.

Les lundi et mercredi, le CCA Natoaganeg organise des repas communautaires ouverts à tous. Lorsqu’elle est disponible, la viande d’orignal fait partie d’au moins un des repas chaque semaine. Le CCA Turnor Lake & Birch Narrows, quant à lui, organise des évènements spéciaux autour de cette viande.

« Lorsque nous organisons ces évènements, tout le monde se réunit dans le CCA. Vous êtes assis avec les Aîné·e·s, vous mangez cette nourriture dont ils et elles ont dépendu toute leur vie », explique Rebecca. Ces rassemblements réunissent la communauté : ils permettent de partager un repas et d’échanger des connaissances traditionnelles.

Faire participer les jeunes et transmettre les connaissances

« J’essaie d’intéresser les plus jeunes », explique Jeff. Comme Rebecca, il est passionné par la transmission des connaissances sur la chasse à l’orignal aux jeunes générations et par sa signification culturelle.

Il raconte une expérience mémorable avec un garçon de 12 ans qui n’avait jamais assisté à la chasse à l’orignal sur le terrain. « Il était fébrile pendant le trajet », se souvient Jeff. 

Mais lorsque le garçon a vu l’orignal, « on pouvait voir ses mains trembler. Je lui ai dit qu’il n’y en aurait pas d’autres, que c’est celui-là qu’on ramènerait à la maison ». 

Ils ont réussi à ramener l’orignal à la maison, non sans avoir travaillé très fort. Le jeune garçon, rempli de joie, a vite appris qu’après l’excitation de la chasse, il fallait accomplir certaines tâches essentielles. Ils ont dû préparer l’orignal pour le transport, puis le vider, le découper et emballer la viande. « Ça fait partie des responsabilités », explique Jeff.

Ce garçon chasse désormais tous les ans, et Jeff est fier de voir la génération suivante participer à la tradition. « Il est passionné maintenant », dit-il en souriant. 

Préserver les traditions malgré des difficultés croissantes

La tradition de la chasse à l’orignal que Jeff et Rebecca chérissent est confrontée à de plus en plus de difficultés. Le développement industriel, la colonisation et les politiques gouvernementales transforment les terres dont ils dépendent et menacent la faune et les pratiques culturelles qui y sont liées.

Malgré ces obstacles, Rebecca reste déterminée à préserver ses traditions culturelles, chasse à l’orignal comprise. « Il faut continuer. Je pense que si le gouvernement et les mines continuent à faire ce qu’ils veulent, nous devrons créer une ferme d’élevage d’orignaux! Nous élèverons nos propres originaux pour nourrir nos Aîné·e·s. » Il n’a jamais été aussi vital de préserver ces traditions.

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